127 heures - Lebon Trait d'union

Par Cheryl Coello


Ça fait toujours mal de se couper le bras, même quand il est gangrené.

Je me suis réveillée en plein milieu de la nuit en pensant à 127 heures. Ce film a changé ma vie il y a de ça presque 13 ans déjà. À l’aube de mes 40 ans, je me souviens difficilement de toute la douleur, de toute la peine d’avoir été prise dans un amour à sens unique. J'étais seule à être dans une relation pendant presque 10 ans, de mes 16 à 26 ans. Aujourd'hui, je me souviens surtout que j’avais toujours l’impression de ne jamais être assez bien pour cette personne, qu’il n’allait jamais m’aimer, quoi que je fasse ou que j’essaie de devenir. Et entre vous et moi, j’ai pas mal tout essayé! Après ces dix années à l’aimer en silence, à ne me livrer que par bribes décousues après des soirées un peu trop arrosées, j’ai pris la décision de sortir cette personne de ma vie. C’est arrivé comme ça, juste après avoir vu 127 heures.

Tout fini toujours, mieux choisir comment

127 heures est un film qui raconte l’histoire d’un cycliste intrépide - certains diront inconscient, mais là n’est pas le sujet. Il décide de parcourir seul le Parc des Canyons de l’Utah avec, pour tout bagage, des provisions pour une journée et un peu d’eau dans sa gourde. Presque au milieu de son trajet, il chute au fond d’un canyon, dans un passage très étroit et son bras se retrouve coincé, aplati sous une roche. Il va vivre là 127 heures de soif, de faim, d’hallucinations, de solitude, d’impuissance, de désespoir, de douleur, d’agonie. Jusqu’à ce qu’il décide de se couper le bras. Et s’il ne l’avait pas fait, il serait mort sur place.

On a tous cette horloge

Je me permets de dévoiler le dénouement parce que le film est basé sur une histoire vraie. Ceux qui connaissent cette histoire savent aussi que ce cycliste, - Aaron Ralston - est toujours en vie aujourd’hui, marié, père d’un enfant et vit une vie heureuse. Il a tout, moins un bras, évidemment. Cette partie heureuse n’apparaît pas dans le film. Sûrement parce que ce qui compte dans ce récit, c’est plutôt ce qui se passe durant ces 127 heures. Ce contre quoi on s’est tous déjà confrontés, à de nombreuses reprises. Un bras pourri, gangrené, qui nous retient prisonnier et qui met notre vie en danger. Un bras coincé qui pousse notre survie dans ses derniers retranchements et place notre avenir devant un dilemme cornélien.

127 heures - Lebon Trait d'union

Ce bras putréfié, ça peut être tout et n’importe quoi: une relation, un travail, une mauvaise habitude, une dépendance, une situation toxique. N’importe quoi qui te semble impossible à t’en départir même quand tu sais que ça te fait du mal. Dans mon cas, c’était une personne et aujourd’hui, je suis probablement rendue à 110 heures dans le processus. J’ai tout essayé pour sauver mon bras pourri, mais je suis encore là, au fond de ce canyon, coincée sous une roche qui me cause de la douleur et qui me désespère. J’agonise, j’en ai conscience. Mais surtout, je suis coincée.

Devant la fiction libératrice...

Dans 127 heures, le tournant principal de l’histoire survient quand le protagoniste, après avoir essayé tout ce qu’il pouvait, comprend dans une sorte de révélation que soit il se coupe le bras, soit il meurt ici, dans ce canyon, le bras coincé sous le rocher. Mais selon moi, le moment le plus prenant, c’est encore quand il commence à couper son bras et qu’il arrive au nerf. C’est insoutenable pour le spectateur. James Franco est un acteur admirable qui a tellement bien transmis cet instant de douleur suprême que pour la plupart, on se cache les yeux en le regardant, on a tous un visage contrit, certains laissent échapper une interjection empathique avec lui. Horrible.

... il faut encore agir.

Mais quand on y pense, ce n’est pas une douleur inconnue. On l’a tous ressentie un jour. Même après qu’on ait décidé de se défaire de notre fardeau, rien ne se passe. Tant qu’on n’a pas pris une action concrète pour couper ce bras gangrené, on continue d’agoniser. Par contre, quand tu t’exprimes tout haut, quand tu démissionnes, quand tu arrêtes de fumer, que tu tournes le dos à n’importe quelle addiction, ou encore quand tu as cette discussion pour terminer une relation, c’est là que ça fait mal. Ça fait mal comme ça ne se peut pas. Et soyons clairs, une fois que tu as attaqué le nerf, tu ne peux pas t’arrêter ni revenir en arrière, mais c’est mieux comme ça. C’est mieux parce qu’on le sait: ça ne vaut pas la peine de mourir pour un bras pourri.

Aujourd’hui, je me suis promis de regarder à nouveau 127 heures.

127 heures - Lebon Trait d'union

 

septembre 11, 2019 — Cheryl Coello

Commentaires

PRENIKA

PRENIKA dit :

Très touchant et véridique, je vie cela depuis le 1 Mars 2017, depuis que la femme que j’ai aimé et je j’aime toujours, malgré la douleur incessante qu’elle a laissé dernière elle en nous quittant mon fils £ moi, sans un mot, pas une lettre, ni un quelconque message…Impensable, encore aujourd’hui on n’y crois pas. Son manque total d’empathie la préservé et elle n’a encore jamais fait la moindre effort, pour essayer même de revoir son propre enfant, comment expliquer cela ? Nous ne trouvons aucune explication. En disparaissant lâchement, elle me laissé seul à combattre mon Cancer et m’occuper seul de mon fils de 11 ans…Encore aujourd’hui, si je suis entrain d’écrire ses mots, c’est grâce à mon enfant que je lutte et survie pour l’éduquer du mieux possible, sinon, je sais pertinemment bien que j’aurais mis un terme à mon existence, et pour moi c’est très simple, il me suffit d’interrompre brutalement tout traitements dont la trentaine de cachets journaliers y compris la morphine qui me tient encore debout…
Bref, je sais pas ce qui m’a pris d’écrire ce texte , mais ça doit me faire un peu de bien… Toujours est-il que je vais mettre en oeuvre pour voir très rapidement le film : 127 heures ! Au revoir tout le monde et bonne nuit…Un anonyme qui vit dans une souffrance indescriptible…

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