Avant boss à Quito

Par Cheryl Coello


Mercredi 30 octobre - 22h: Mario appelle de Montréal. Hélène est là mais trop fatiguée pour parler. Elle se couche. Au revoir, Hélène. J’imagine que c’est un appel régulier pour faire un brainstorm sur un client ou quelque chose du genre. Mais non, Mario m’annonce qu’ils viennent à Quito. À Quito? Je me dis « C’est une blague?! ». Mario achète les billets pendant notre appel. C’est chose faite. Ils viennent à Quito. C’est vrai, mais difficile à croire.

Jeudi 31 octobre - 9h: J’aide Mario à choisir un Airbnb. Quand on finit l’appel, on a les trois meilleures options et des e-mails envoyés à Hélène pour lui laisser le choix final. «C’est comme un petit voyage de noces», dit Mario. Pas de pression. Mais bon. Je commence à penser aux possibilités d’activités et d’endroits à visiter. Tout semble ennuyeux, laid, pas assez bien. Je panique.

11h: Je commence à planifier comment accueillir mes amis. Je fais une liste de choses à découvrir ici. C’est trop long et trop compliqué. Je suis anxieuse et inquiète à l’idée que mes amis ne se sentent pas les bienvenus.

13h: J’envoie des options de location de voiture. C’est trop cher et il faut un stationnement. Louer une voiture n’est plus dans les plans. On prendra Uber. Dieu merci, parce que je n’ai pas de permis. Note à moi-même: j’ai besoin d’un permis de conduire, juste au cas où. Pourquoi je ne l’ai pas! Je crains que mon manque de préparation affecte Hélène et Mario. Je nage en pleine panique.

15h: Hélène fait son choix. Mario réserve le Airbnb. La maison traditionnelle avec un jacuzzi sur la terrasse, avec sa décoration vintage, semble superbe. Je commence à me calmer en imaginant les images et les vidéos que nous pourrions y tourner. Oui, penser aux contenus me calme. Je rencontre Pablo, le concierge, sur Whatsapp. Il a l’air sympa. J’organise une visite au Airbnb le lendemain, 15h.

19h: Mario dit: «Remplis le frigo de bières, c’est tout ce dont j’ai besoin». Mais je fais une liste des articles de base dont ils peuvent avoir vraiment besoin, en plus de la bière. De l’eau, des fruits, du fromage... Le 2 novembre est El Día de los Muertos, donc je demande à Pablo de me recommander un endroit proche qui livre des mets traditionnels de la fête pour que mes amis puissent goûter. La réponse est non. Je panique à nouveau.

21h: Mon cerveau fait clic. Je me rappelle que j’ai travaillé dans un restaurant et j’ai gardé une bonne relation avec le propriétaire. Je crie à l’aide sur Facebook, pas de réponse. Il est trop tard. Mon sentiment de panique augmente. Mario envoie l’information de vol et je me sens défaillir. «Reprends-toi, Cheryl, reprends-toi, demain est un autre jour». Je ferme les yeux en me répétant ça.

Vendredi 1er novembre - 9h: J’échange quelques bonnes vibes et voeux avec Hélène et Mario sur Hangouts. Ils sont heureux et enthousiastes, c’est contagieux. C’est une longue traversée avec un vol en correspondance via Atlanta qui les attend, mais ils seront à Quito vers 23h. J’ai moins de 12 heures pour terminer tout ce que je veux faire pour les accueillir.

10h: Fran, mon ancien patron au restaurant, répond à mon message de la veille. Le ciel s’ouvre enfin: «Oui, je peux remplir un panier artisanal avec différents types de pain traditionnel artisanal, y compris les wawas pour Día de los Muertos. Et le canelazo? Oui, ça aussi.» Je suis sauvée. Je suis censée prendre le panier au café à 15h. Je préviens Pablo que je serai au Airbnb un peu plus tard.

11h: Ana Karina, mon assistante, a une idée. Elle veut préparer une pancarte de bienvenue pour les accueillir à l’aéroport. J’aime l’idée. Je vais à la papeterie lui chercher les fournitures nécessaires et j’encourage sa créativité. Elle est aussi heureuse que moi. Elle sait que ce sont des personnes spéciales à mes yeux. Je suis contente qu’elle les aime même si elle ne les a jamais rencontrés en vrai. Moi non plus, en fait.

12h: Je parle avec Pablo et je confirme le rendez-vous après 15h. OK. Je confirme aussi le transport de l’aéroport au Airbnb recommandé par l’hôte. J’envoie les informations du vol. Le gars de l’agence m’assure qu’ils seront là. Je ne leur fais pas confiance, mais nous avons Uber comme plan B. OK. Je me sens bien, tout va bien.

13h30: Je quitte la maison pour aller au supermarché. J’achète ce qu’il y a sur la liste d’épicerie, y compris la bière classique et artisanale; le vin, celui que j’aime, pour Hélène qui ne boit pas de bière. J’espère qu’elle l’appréciera. Et si elle ne l’aime pas? Assez, la voix dans ma tête! Ils vont tout aimer, ça va être super. Enfin, j’espère. J’appelle un Uber, premier arrêt au Galería Café pour les friandises traditionnelles.

15h: Je suis au café. Fran n’est pas là. Son serveur dit qu’ils n’ont pas fini de préparer la commande. Le panier n’est pas prêt. Mon Uber attend devant. Il n’y a pas de place de stationnement, le chauffeur s’impatiente. «Nous vous l’enverrons quand il sera prêt, dans un Uber.» OK, je fais confiance à Fran, il ne se plante jamais, n’est-ce pas? N’est-ce pas? Respire, Cheryl. Je fais le paiement pour le panier. De retour sans ma commande, dans le Uber direction le Airbnb.

16h: Après un trafic vraiment lourd, j’arrive tard au Airbnb. Pablo est là. Il m’aide à rentrer les courses. Il est très gentil. J’aime qu’il soit si calme, ça me tranquillise. L’appartement est magnifique et soigné. Je reçois les clés et il me montre leur logement et l’ensemble du bâtiment. La vue depuis la terrasse est incroyable.

17h: Seule dans l’appartement, je mets les courses dans le petit frigo et je remarque une odeur. Pablo descend et s’en occupe. C’était un fromage bleu, dit-il, des touristes qui étaient là la dernière fois. Nous commençons à parler de fromage, parce que j’adore ça. Il me dit qu’il est chef et qu’il a une Expérience sur Airbnb où il enseigne aux gens comment cuisiner la nourriture traditionnelle équatorienne. Hélène et Mario vont adorer ce gars. Moi-même, je l’aime déjà.

18h: L’Uber avec le panier de Galería Café n’est pas encore là et je recommence à paniquer. Il se met à pleuvoir. Je me souviens que mon parapluie est cassé. Je ne veux plus déranger Pablo. Je commence à prier pour que la pluie s’arrête. Mais ça empire. J’appelle Abraham, le serveur de Fran. Il me dit que l’Uber est en route. Il partage l’emplacement du GPS. Il est près tout près, mais selon le GPS, il fait des détours partout. J’essaie de l’appeler, pas de réponse du conducteur. Abraham appelle, pas de réponse. Il est là, dit-il.

18h30: Je décide d’attendre dehors, il pleut des cordes, mais je suis déterminée à avoir ce panier. J’ouvre le parapluie, mais 5 minutes plus tard, je suis mouillée de la tête aux pieds. J’attends le conducteur. Je l’appelle, pas de réponse. Qu’est-ce que je vais faire? Alors que je suis sur le point de partir, le conducteur appelle, il était perdu. Évidemment. Il arrive enfin à la bonne adresse, mais ne m’aide pas avec le panier. Laisse tomber, Cheryl. Je prends le panier et je le rentre en évitant au mieux de le mouiller. J’ai clairement un potentiel en acrobatie.

19h30: Le panier est en place, la table pleine de friandises est superbe, le frigo est plein de bières et d’autres trucs utiles, et je me sens extrêmement heureuse… et fatiguée. Je dois encore rentrer chez moi, me changer et me rendre à l’aéroport avant 22h. Disons 21h30, au cas où le vol arriverait tôt. OK, vite, mon Uber, direction la maison. Le gars arrive au Airbnb 5 minutes plus tard. Je me demande comment le conducteur de la livraison a pu se perdre autant. Bref. Ce chauffeur-là me plaît bien. Je lui demande s’il peut me conduire de la maison à l’aéroport à 21 heures. Il me dit oui et même, il m’offre un tarif «spécial». Est-ce qu’il flirte avec moi? Peut-être. Pas sûre. Focus, Cheryl, tes amis s’en viennent.

20h30: À la maison, je vérifie l’état du vol. Il sera à l’heure. J’ai des papillons dans l’estomac. La pancarte de bienvenue est sur ma table. Je l’adore. J'espère que ça leur plaira! J’envoie un message à Ana pour lui dire merci. Je lui dis aussi que tout va bien avec le Airbnb. Je saute dans la douche. Je m’habille rapidement. J’applique un peu de maquillage. Finalement, j’en remets un peu, en pensant à mon charmant conducteur. Je suis fatiguée, mais heureuse. Je vais enfin rencontrer mes incroyables boss. Ceux qui m’ont donné l’occasion de travailler, d’apprendre et de grandir dans le travail le plus cool que j’ai jamais eu. Je voulais qu’ils se sentent accueillis et je suis sûre qu’ils aimeront l’endroit. Est-ce qu’ils aimeront la ville? Eh bien, je ferai de mon mieux. Quito est une capitale intéressante, pleine de caractère et de contrastes, espérons qu’elle montre ses meilleures couleurs à mes amis.

21h30: Le chauffeur vient me chercher, juste à l’heure. J’adore la ponctualité chez un homme. Focus, Cheryl. Sur le chemin de l’aéroport, je valide une nouvelle fois que le transport de l’agence sera là pour nous emmener de l’aéroport au Airbnb. Ils confirment qu’ils sont en chemin. Ils seront là à 22 heures. «Avec une pancarte», disent-ils. Ce ne sera pas nécessaire, je pense; la pancarte qu’Ana a fait repose sur mes genoux. Je suis vraiment enjouée. Je remarque que le conducteur m’observe du coin de l’œil. Au moins, il est curieux. «Qui allez-vous retrouver à l’aéroport?» demande-t-il. Et je résume l’histoire. Nous parlons brièvement de marketing digital. Je lui donne ma carte business avec n’importe quelle excuse. «Appelez-moi si vous avez besoin de mes conseils.» Grands sourires, au revoir.

22h: Je suis à l’aéroport. L’avion est sur le point d’atterrir (plus tôt que prévu) mais je sais que le processus après l’atterrissage peut prendre un peu de temps. Je cherche un endroit où prendre un café. J’en trouve un qui est pas mal. J’essaie de me détendre. Évidemment, c’est impossible. Et si je ne les reconnais pas? Et s’ils ne me reconnaissent pas? Et si je les rate et qu’ils se perdent? Oh, c’est assez! Je tente de contrer ma paranoïa en pensant au conducteur du Uber et en sentant la bonne odeur de mon café. Ça va être génial.

22h30: Je ne vois personne d’autre avec une pancarte. J’appelle l’agence. Elle est là, disent-ils. Je vois une fille avec un petit signe qui dit «Mario Courchesne». Je sais qu’ils seront là d’une minute à l’autre. Calme-toi, Cheryl, calme-toi. Ça va bien aller. La fille de l’agence est calme. Ça m’apaise. Je me rends compte que les gens calmes m’aident vraiment dans les situations stressantes. «Vous faites ça tous les jours?», je lui demande. «Tous les jours», répond-elle. Je me dis que ça doit être génial de travailler autour d’un aéroport. Mais que voler doit être encore mieux. Comme les agents de bord. Ils vont partout. Focus, Cheryl. J’étends ma pancarte et je garde les yeux grands ouverts sur la porte. Il n’y en a qu’une, Dieu merci. Aucune chance de les manquer, je ne peux pas les manquer. Ils seront ici d’une minute à l’autre. Calme-toi. Ils seront là d’une minute à l’autre! Et si...? Calme-toi. La fille avec le panneau sourit. Je crois qu’elle me trouve ringarde, mais qu’elle m’aime bien. Elle voit à quel point je suis contente. Tout le monde me regarde. Je m’en fiche. Oui, je suis heureuse. Calme-toi Cheryl.

23h20: La porte s’ouvre. Hélène sort en premier, elle voit la pancarte, elle me voit. Grand sourire. Mario est derrière, avec une caméra à la main. Il me voit, il sourit aussi. Hélène s’approche de moi et on se serre fort. Pendant des siècles. Puis Mario, on se serre dans nos bras, pendant qu’il continue de filmer et va rendre notre rencontre éternelle. Ça va être génial.

Mise à jour: On a passé une journée incroyable pendant l’anniversaire d’Hélène. Visitez le volcan Cotopaxi avec nos nouveaux amis.

janvier 09, 2020 — Cheryl Coello

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