Chienne de vie

Par Isabelle Millaire


«I need something sweet.» C’était la réplique récurrente du personnage interprété par la magnifique Sarah Polley dans le film Ma vie sans moi. La jeune maman apprenait qu’elle avait une maladie grave. Incurable. Un cancer. Je crois.

I need something sweet. Je ne suis plus certaine. I need. I want. Il y a longtemps que j’ai vu ce film. J’habitais avec ma coloc. Je dis coloc, mais à l’époque, c’était une amie. Et elle voulait absolument que je regarde ce film. Je me souviens de l’avoir aimé, ce film.

I need something sweet. Ma coloc-amie disait que ça lui faisait penser à moi. De ce film, étrangement, je ne me souviens pas de grand-chose. J’en ai surtout gardé une impression de flottement. De douce dérive. Après toutes ces années, un seul bout me revient. Cette phrase.

Je ne comprenais ce qu’elle voulait dire à ce moment-là.

Je ne suis pas certaine de vraiment comprendre aujourd’hui non plus.

I need something sweet. Aujourd’hui, après avoir appris que tu avais un cancer, cette phrase est revenue me hanter. Toi, que je n’ai pas vue depuis presque 10 ans. Toi de qui j’ai pourtant été si proche. Toi de qui je me sens toujours proche. Malgré la distance. L’absence. Toi à qui j’ai raconté ma vie. Avec ses peines. Ses angoisses. Et ses espoirs.

Toi aussi, tu t’es confiée à moi. Sans pudeur. Nous avons même partagé les aléas de notre première grossesse ensemble. J’ai regretté avoir pleuré sur ton épaule mes fausses couches:

tu as eu peur que cela t’arrive.

J’ai tenté de te rassurer.

Je pense que j’y suis arrivée. Un peu.

Aujourd’hui, c’est ce que je voudrais: te rassurer. Un peu.

Mais je ne peux pas. Personne ne peut.

I need something sweet. J’ai mangé des bonbons. Comme l’héroïne du film. Ma peine n’a pas passé pour autant. Mais va savoir pourquoi, ça m’a apaisée. Comme si ce doux sur ma langue avait pour un temps calfeutré ma peine.

I need something sweet. Avoir besoin d’un peu de douceur pour traverser une journée.

Une minute.

Ou ce qu’il nous reste de vie.

Je t’aime, mon amie.

septembre 11, 2020 — Isabelle Millaire

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