Dire ou écrire, il faut choisir

Par Isabelle Millaire

Flaubert avait sa technique du «gueuloir», qui consistait à dire à haute voix son texte pour s’assurer du ton de son de celui-ci. Personnellement, j’utilise régulièrement cette technique pour vérifier la musicalité d’un récit, son rythme. Si je bute sur des mots, je me penche de nouveau sur la phrase pour la modifier.

Mettre son texte en bouche est encore plus important si vous décidez de faire parler des personnages dans votre histoire. Le dialogue est un art. Et maîtriser cet art est moins aisé qu’il n’y paraît de prime abord.

Tout d’abord, il faut préciser que pour faire parler un ou des personnages dans une histoire, il n’est pas obligatoire que cela se présente comme un dialogue de théâtre. Vous pouvez très bien écrire: «Sophie lui répondit qu’elle ne voulait plus poursuivre cette discussion avec lui.» Votre personnage a parlé, mais son propos a été intégré dans votre texte. Il n’y a donc pas de rupture de ton ici.

Cependant, si vous voulez insérer un dialogue, bien choisir les mots dits n’est pas une mince affaire, car ils doivent être en accord avec votre personnage. Je m’explique. Si Sophie est une enfant, une adolescente ou une adulte, si elle est nerveuse, agressive ou triste… les mots qu’elle prononcera ne seront pas les mêmes.

-Je t’en prie, je ne veux plus poursuivre cette discussion avec toi.

-Ça suffit! Je ne veux plus en parler.

-En ce qui me concerne, cette discussion est close.

-Je veux pu te parler!

Toutes ces phrases signifient la même chose, mais le ton est différent. À vous de décider les mots que votre personnage est susceptible de prononcer. Vous l’avez créé. Vous le connaissez donc mieux que quiconque.

Vous avez aussi remarqué que le dernier exemple: «Je veux pu te parler!» n’est pas écrit dans un français «correct». C’est une autre des subtilités que permet le dialogue: le langage parlé. L’un des meilleurs exemples dans la littérature québécoise est sans aucun doute Michel Tremblay qui, le premier, a mis en scène des personnages parlant «québécois» dans ses pièces de théâtre.

Petite anecdote à ce sujet: quand j’ai découvert l’univers théâtral de Tremblay, pour bien comprendre les paroles de ses personnages, je devais lire à voix haute les dialogues. C’est en me mettant les dialogues de ses colorés personnages que je pouvais enfin saisir tout le sens des paroles échangées et, de fait, comprendre leur milieu de vie.

Donc, ce qu’il est important de retenir quand vient le temps de faire parler un des protagonistes de votre histoire, c’est que les mots qu’il emploie doivent être «raccord» avec ce qu’il est.

Astuce : mettez-vous dans la peau de votre personnage. Devenez votre personnage. Ce qu’il dit et comment il le dit vous viendra alors tout naturellement.

Bonne écriture!

mai 25, 2021 — Isabelle Millaire

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