Plus jamais 40 ans.

Par Isabelle Millaire


La quarantaine s’est pointée dans ma vie en pleine tourmente. Comme une tonne de briques, toutes ces années à me surmener, à m’inquiéter et à me culpabiliser me sont tombées dessus. BABOUM! Je n’ai rien vu venir. Pourtant, cette chute, ma chute, était plus que prévisible. Tous les ingrédients mijotaient depuis (très) longtemps. La marmite a fini par sauter un soir d’hiver. Le soir du 5 février 2018, le choc avec la réalité a été brutal. Pour moi. Et pour mes enfants également. Ce soir-là, leur papa, mon homme, a été transporté à l’hôpital par des policiers. De bien gentils policiers qui ont tenté tant bien que mal de rassurer mes bébés. Mais des policiers, armes à la taille et grosses bottes aux pieds, même bien intentionnés et parlant doucement, ça n’a rien de « normal » ni d’apaisant pour un enfant. Ni pour une maman d’ailleurs. Dès la porte refermée derrière l’homme escorté par les deux grands « agent de la paix », comme on dit, mon cerveau est passé en mode survie. L’important: que la routine de mes cocos soit préservée le plus possible. Manger. Dormir. Aller à l’école. À la garderie. Et recommencer. Pendant un mois, j’ai vécu en parenthèse de ma vie. Pendant tout le mois qu’a duré la convalescence de mon homme, mes enfants ont dormi avec moi. Ils dormaient. Je veillais sur leur sommeil. Le mauve sous mes yeux est devenu un maquillage permanent. Ma patience était mince comme un fil et courte comme un cil. J’ai accepté l’aide de ma famille. De mes amies. De mon médecin et de ma psy. Tous ont contribué à ce que j’émerge de cette torpeur. Sept mois d’arrêt de travail pour moi. Sept mois à me questionner. Qu’est-ce que j’aime? Mes enfants. Oui, bien sûr. Mais moi, mes intérêts? J’ai essayé des trucs. La course à pied. J’ai aimé courir. Courir à perdre le respire. Courir pour me sentir vivre. Me dépasser. Et sortir de ma tête. J’aime lire. Alors j’ai pris le temps d’ouvrir un livre. Lire, même en plein jour. Sans me sentir coupable. J’ai découvert et adoré les jeux de logique. Des jeux pour lesquels il faut prendre le temps de se poser. De réfléchir. Essayer, encore et encore. J’ai renoué avec le plaisir de la marche. Marcher sans destination. Marcher avec l’homme. L’homme revenu plus fragile et plus fort à la fois. Marcher en famille et entendre ma fille, joyeuse, dire « On est toute la famille ». Regarder l’homme pour voir que lui aussi, son œil est mouillé.

Temps d’arrêt certes difficile mais combien bénéfique! Il est tellement facile de se perdre dans le sprint perpétuel de nos vies. Je me suis donc réapproprié ma vie. Et je suis retombée amoureusement de mon homme. J’ai revu mes priorités. Des changements se sont imposés. Mais en douceur.

Un an plus tard, j’ai réorganisé ma vie pour me mettre au centre. Pas de façon égoïste. Juste pour être bien. Prendre conscience de mon être pour pouvoir être présente pour les autres. Pour mes enfants. Pour mon homme toujours à mes côtés. Sobrement. Le seul bémol qui restait dans ma vie, c’était mon boulot. Surtout son horaire et ses contraintes, car côté collègues, j’étais drôlement choyée.

Comme si la Vie avait décidé de me donner un coup de main pour être présente tous les matins avec Lou et Mimone, j’ai reçu une offre en or. Écrire. Pour moi et pour d’autres. J’ai donc quitté mon emploi des 17 dernières années. Avec l’encouragement de mon homme, les craintes de mon père et l’étonnement de ma mère, j’ai dit oui a une aventure fantastique proposée par deux personnes passionnées!

Et tous les matins depuis que j’ai fait ce choix, je commence ma journée avec des câlins.

Merci la Vie.

©Envato
septembre 20, 2019 — Isabelle Millaire

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