Rencontre avec Alain Pronkin pour tenter d’expliquer Pâques aux enfants… et aux grands!

Par Isabelle Millaire

Quand j’étais jeune, j’avais des cours d’enseignement religieux. J’ai appris les bases de la religion catholique à l’école et, surtout, avec le film interminable de Zeffirelli, qui jouait à toutes les fins de semaine de Pâques de mon enfance. Sans Internet ni télé sur demande, je peux vous dire que ma sœur et moi l’avons écouté trèèès souvent Jésus de Nazareth.

Les cours d’enseignement religieux de mon enfance ont été remplacés par des cours d’éthique et cultures religieuses. Peut-être est-ce parce qu’ils ne sont qu’au premier cycle du primaire, mais ce que mes enfants apprennent, c’est vraiment la base: les fêtes des différentes religions et les traditions comme «on fait un sapin de Noël» et «Hanouka, la fête des Lumières, est une fête juive.» Rien de bien compliqué. Ce qui fait en sorte que, l’hiver, quand on passe près de la crèche illuminée installée devant l’église, je me fais bombarder de questions. La crèche, vous en conviendrez, ça s’explique quand même bien. Noël: Jésus naît. C’est cute comme histoire. En plus, il y a des animaux autour de lui, des parents aimants. La Nativité, ça va. Mais Pâques… C’est pas mal moins sympathique comme histoire! Petit rappel: Jésus se fait crucifier. Il meurt. Et il ressuscite. Donc, je dois expliquer pourquoi des humains -d’une autre époque peut-être, mais êtres humains quand même- ont jugé que Jésus méritait de se faire planter des clous dans les mains et les pieds et de sécher sur une croix au soleil. (Bruit de criquet.)

Mais il y a pire: il meurt et il revient de parmi les morts… Ça fait un peu plus Halloween avec des zombies qui marchent dans la rue que mignon petit lapin qui cache des cocos en chocolat!

Bref, les questions entourant la fête de Pâques de mes deux petits curieux m’ont souvent mise dans l’embarras, pour ne pas dire carrément mal à l’aise. Cette année, pour m’aider à répondre aux «pourquoi» de mes enfants, j’ai décidé d’appeler Alain Pronkin, chroniqueur spécialiste des nouvelles religieuses.

Monsieur Pronkin

Un peu nerveuse, j’ai contacté monsieur Pronkin d’abord par texto. «Bonjour, monsieur Pronkine, je me présente… ». Oui, PronkinE. Misère! Gênée, j’ai dû commencer mon entrevue téléphonique -qu’il a acceptée avec beaucoup de gentillesse- en m’excusant de l’avoir débaptisé. Il ne s’en est pas offusqué pour deux sous. Fiou!

Depuis plusieurs années, Alain Pronkin est appelé régulièrement à commenter l’actualité religieuse -qu’il rend clair et simple- dans divers médias. Cette fois, c’est pour Lou et Mimone qu’il s’est prêté au jeu.

Le carême

J’ai commencé par lui demander ce qu’est le carême. Il m’a ramenée au jour de Pâques. «Pour savoir quand le carême commence, tu dois savoir quel jour tombe Pâques et pour ça, la formule est: le premier dimanche qui suit la première pleine lune qui suit le 21 mars. Ensuite, tu recules de 40 jours. Techniquement, Pâques ne peut donc pas être avant le 21 mars.» Cette année, le carême a commencé le 17 février. Un mercredi. «Le carême commence toujours un mercredi. Le mercredi des cendres.»

Pourquoi le carême dure 40 jours? «Le carême représente, de façon symbolique, les 40 jours pendant lesquels Jésus a été isolé dans le désert -sans manger- et qu’il a refusé tout ce que Satan lui a offert. Jésus a résisté à toutes les tentations de Satan.»

Bien sûr, si vous faites le carême, vous n’arrêtez pas de manger pendant 40 jours, mais vous n’ingurgitez que de la nourriture «nécessaire» à votre subsistance; bye-bye friandises et croustilles!

Brunch de Pâques

Puisque Pâques est toujours au printemps, le carême tombe toujours pendant les mois d’hiver (février et mars). Des mois où la terre est gelée et ne produit pas. «La religion venait donc, en quelque sorte, justifier ce qu’on vivait à cause des saisons.» m’explique Alain Pronkin. L’hiver, les repas étaient frugaux puisque le sol ne produisait plus, ce qui allait parfaitement avec la période du carême!

Ce n’est pas pour rien que les tablées de Pâques regorgent de mets à base d’œufs (les fameux brunchs de Pâques avec omelettes et autres «oeufreries») et de sirop d’érable (jambon à l’érable, saucisses à l’érable, desserts à l’érable…) «Les œufs sont le symbole de Pâques. Bien avant le lapin! Entre autres parce que les œufs sont présents tout au long de l’année; les poules n’arrêtent pas de pondre en hiver! Et le sirop d’érable, c’est la nature qui se réveille au printemps. Donc, les repas de Pâques étaient cuisinés avec ce qu’il y avait de disponibles à ce moment de l’année.» ajoute M. Pronkin.

Après 40 jours à manger sobrement, Pâques, moment où est célébré le retour de Jésus-Christ, était l’occasion de se réunir et de souligner cet heureux événement en savourant des plats sucrés. On pouvait enfin se laisser aller à la gourmandise.

Et le chocolat dans tout ça?

«Le chocolat et le lapin comme éléments représentant la fête de Pâques sont arrivés bien après et viennent forts probablement de l’Allemagne, qui est un pays producteur de chocolat.» Le chocolat va de pair avec l’idée qu’on peut manger des gâteries… Le lapin, lui «représente la reproduction» m’apprend M. Pronkin. Je vais fort probablement passer sous silence le côté «chaud lapin» de M. Jeannot qui vient cacher des cocos pour Lou et Mimone à chaque année… Chaque chose en son temps, comme on dit!

Crucifixion et résurrection

Nous voilà dans le crunchy du sujet. Qu’est-ce qu’on célèbre, à Pâques? La résurrection du Christ. Et pour ressusciter, il a fallu qu’il meurt. Il n’y a pas de façon drôle ou jolie d’expliquer ça aux enfants. En écoutant Alain Pronkin, je comprends que cette histoire n’en est pas vraiment une pour petits, mais qu’il y a possibilité de voir du positif dans la mesure où Jésus sait ce qui l’attend. «Jésus sait qu’il sera trahi par un de ses apôtres, Judas. À qui il pardonnera, d’ailleurs. Et c’est parce qu’il meurt sur la croix, qu’il a les mains transpercées, que Thomas pourra vraiment croire à sa résurrection.»

Thomas, celui qui demande à toucher les plaies du Christ pour s’assurer de son existence réelle. Je me souviens avoir vu ça dans mes cours d’enseignement religieux.

Je me souviens aussi de la réaction de dégoût parmi les élèves!

Comme je suis foncièrement contre la violence et que je ne vois toujours pas comment je peux raconter ça à ma marmaille, je demande à Alain (oui, je l’appelle maintenant par son prénom!) pourquoi fallait-il donc qu’il meurt et qu’il ressuscite de la sorte?

«En mourant et en revenant d’entre les morts, Jésus démontre qu’il y a quelque chose après. Et c’est là le fondement même du christianisme: il y a quelque chose après la mort, le paradis ou l’enfer, selon la vie qu’on a vécue.»

Donc, si je résume à Lou et Mimone: Oui, selon la religion catholique, Jésus se fait crucifier, mais il n’en est pas étonné car il sait que ça va lui arriver. Pire, il n’est pas fâché contre ceux qui le mettent sur la croix «car ils ne savent pas ce qu’ils font» et que, au bout du compte, c’est grâce à cette mort qui lui est donnée qu’il peut revenir et dire: «Je suis le fils de Dieu et la mort n’est pas une fin en soi.»

OK… comment dire? J’espère vraiment ne pas avoir trop de questions sur ce sujet!

Selon moi, on doit l’omniprésence du chocolat à Pâques à des parents qui ont tenté de changer de sujet:

Enfant: «C’est quoi Pâques?»
Parent: «Pâques, c’est la fête qui souligne la mort et la résurrection de Jésus.»
Enfant: «C’est qui Jésus? Pourquoi il est mort? C’est quoi la résurrection?»
Parent: «Euh… Oh, regarde, un œuf en chocolat! Tu connais Jeannot Lapin?» 

avril 02, 2021 — Lebon Trait d'union

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