Jamais sans mon café

Par Isabelle Millaire


Je me souviens de ma première gorgée de café. Un espresso allongé pris dans le café où, parait-il, allait souvent écrire Michel Tremblay. J’étais à ma première année de Cégep. Dans un programme qui n’existe plus, et dans lequel nous étions seulement quatre inscrits. Quatre amoureux des mots. Moi, ma meilleure amie et deux autres personnes que j’ai perdu de vue depuis. Dans le cadre de notre atelier de création littéraire, la professeure nous a donné rendez-vous dans ce café. Un café plutôt chic dans lequel je ne me sentais pas à ma place, avec mon sac à dos et mon budget d’étudiante. Quand est venu le temps de commander… misère! Chez moi, le café était acheté en pot gros format à l’épicerie… Café filtre. Point barre. Ici, sur un tableau accroché au mur, tous les cafés possibles. Des noms mystérieux pour moi. J’ai jeté un coup d’œil à mon amie. Même incrédulité. La prof a pris un allongé. Mon amie a ensuite regardé le serveur le plus sérieusement du monde et a dit d’une voix forte et assurée: «La même chose.» Je l’ai copiée avec un: «Pour moi aussi, la même chose.», mais prononcé beaucoup plus timidement.

Le choc quand le serveur a apporté nos mini-tasses!

Je vois ensuite la prof mettre un peu de sucre et du lait. Mes parents aussi, le matin, sucre leur café et y mettent du lait. C’est donc la chose à faire, me dis-je. Je fais donc de même. Pas beaucoup car la tasse est minuscule. Je prends une gorgée sans prendre gare… Bam!

C’est de la dynamite! J’ai les yeux ronds et la langue brûlée. J’étire le bras vers le sucre et le lait au milieu de la table avec, du moins je l’espère, un air naturel et désinvolte. Et j’en ajoute allègrement. Lourdement.

Mes prochaines gorgées seront plus petites. À ce stade, je n’arrive pas encore à déterminer si j’aime ça: ma langue meurtrie ne me donne plus l’heure juste.

Pendant que mes papilles découvrent l’amertume du café fort, la prof nous explique que plusieurs auteurs vont dans des endroits comme celui-ci pour écrire. Qu’ils s’inspirent des gens autours. De l’endroit. À nous maintenant de nous mettre à l’écriture. Nous sortons cahier et crayons. Je ne sais plus ce que j’ai écrit. Ai-je décrit le goût surprenant de ce chaud breuvage? Je ne sais plus.

Mais le café, lui, il m’a marqué. Je m’en souviens comme si c’était hier.

Une habitude était née.

Si j’ai depuis troqué les crayons pour le clavier, le café, lui, est demeuré présent. Il a toutefois évolué. J’ai découvert les lattes et les cappuccinos. Divin nectar. Douceur en bouche.

Chez moi, le café filtre du matin (OK, du midi et du soir aussi!) se prend noir. J’achète donc un café de qualité, dont le goût et la chaleur contribuent à bien commencer ma journée. Ce café de choix, je l’ai trouvé à quelques pas de marche de chez moi, par hasard. Tout petit, coincé entre une clinique de vaccination et un bar-pizzeria, j’ai déniché la perle: Mlle Café. Je suis rentrée et, en voyant l’immense machine à torréfier, j’ai su. Ici, on aimait le café. Ici, le café était une passion. Ici, j’étais chez moi.

Maintenant, la proprio me salue par mon prénom.

Vous l’aurez compris, je suis une caféinomane. Mes enfants, petits imitateurs hors pair, jouent à faire des cafés latte avec leur machine jouet de barista. Chez moi, ce n’est pas l’heure du thé que les toutous et poupées de la maisonnée prennent, mais bien un café avec un petit goûter. Si l’odeur du café rebute Lou et Mimone, moi, elle m’enivre.

Qu’on se le dise, une journée sans café, c’est comme une journée sans soleil. C’est triste. Morne. Déprimant.

Toutes mes journées commencent donc par ce bout de soleil en tasse. Je programme même mon réveil une bonne heure avant celui des enfants pour être en mesure de prendre mon café en tête à tête avec un livre, une lecture pour le boulot ou avec l’écriture. Mon ordi et mon café. Duo inséparable.

Tu es plus du genre thé que café? Ça tombe bien, ma charmante amie et collègue Joanna est comme toi et elle a écrit sur son amour du thé.

Crédit photo: Brûlerie Mlle Café

octobre 12, 2020 — Isabelle Millaire

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