Females hands and symbol of Breast Cancer Awareness

Par Isabelle Millaire


Coup de téléphone. Coup de massue.

Cancer.

À quelques mois près, nous avons le même âge. Tu as trois enfants. De jeunes enfants.
Je te connais depuis plus de 20 ans. Tu es une femme forte. Drôle.

J’ai tenté de te rassurer en te disant que c’était sûrement rien. Que Google rend toujours nos petits bobos dangereux. Google is your friend m’a-t-on souvent répété quand je me questionne. Oui, Google est une super source d’informations. Mais quand ça concerne les questions de santé, il a tendance à exagérer un brin. Un exemple? J’ai eu mal au nez pendant une trentaine de jours. Un mal étrange. Alors, j’ai fait ce que je n’aurais pas dû: googler. Diagnostic selon le célèbre moteur de recherche: cancer des fosses nasales. Rien de moins! J’ai eu beau me parler, me dire que c’était sûrement pas ça, l’idée s’est frayée un chemin et je me suis inquiétée. Je suis devenue tendue. Impatiente. Quand mon homme m’a demandé ce qui se passait et que je lui ai révélé ce que Google avait déduit de mon mal de nez, il a insisté pour que je prenne rendez-vous avec un médecin. Moi qui croyais qu’il allait me ridiculiser… Nous étions maintenant deux anxieux. Rendez-vous pris. Conclusion: une infection du cartilage du nez. Une prescription d’antibiotique et bye-bye. J’ai rapidement été rassurée. Ce soir-là, ma patience et mon sourire était sans bornes.
Mon amie, je t’ai raconté cette anecdote pour te rassurer. Ça a fonctionné. Un peu.
Tu t’es foutu de ma gueule et j’ai ri de moi avec toi.

Mais voilà, tu m’as montré ton sein. Et j’ai vu. J’ai la couleur «qui n’est pas comme l’autre» et ton mamelon légèrement déformé. Je suis restée sans voix. Tu as pleuré. «J’ai pas un bon feeling», m’as-tu confié. J’aurais voulu te serrer dans mes bras. J’étais figée. Tétanisée. Totalement hors de ma zone de confort, comme on dit. J’ai tenté de te changer les idées. J’ai dit tout et rien sur les enfants. Et je t’ai conseillé d’attendre avant de t’en faire. Que s’inquiéter avant ton rendez-vous pour une écho 3D et une biopsie, c’était contreproductif.

Je suis revenue chez moi chamboulée.

La journée de ton rendez-vous médical, je t’ai écrit un petit mot. Juste pour te dire que je pensais à toi. Que je t’aimais. J’ai ardemment souhaité une réponse de ta part. Une réponse où tu m’aurais rassurée. Où tu aurais tourné en dérision toutes tes craintes. Mais cette réponse n’est jamais venue.

Une semaine plus tard, c’est par Facebook que j’ai eu de tes nouvelles :

«Il est arrivé sans crier gare dans ma vie!
En si peu de temps, il m’a soufflée, terrassée, fait pleurer!
Mais il ne s’en sortira pas gagnant. Sur lui je triompherai.
Je verrai grandir mes enfants. Je leur en fait la promesse.
Cancer! Foutu cancer! Tu vas «décrisser» pis vite
Compte sur moi! Je suis une coriace.

Et, oui, on pense que ça n’arrive qu’aux autres.
Il en a rien à foutre cet enfoiré que tu aies trois jeunes enfants,
un mari, une famille et des amis qui t’aiment.
Non! Vraiment rien à cirer. Mais ce qu’il ne sait pas
c’est que ce sont mes enfants, mon mari, ma famille
et mes amis qui m’aiment qui me donneront la force
de passer à travers cette épreuve!

Je n’ai que deux mots à te dire:

FUCK YOU!!!

Pour ceux et celles qui ne le savaient pas,
j’ai été officiellement diagnostiquée
d’un cancer du sein agressif vendredi dernier.
Plusieurs tests depuis.
Traitements de chimiothérapie qui débuteront jeudi prochain.
Mastectomie dans 6-7 mois. Radiothérapie par la suite.
2020 sera l’année la plus difficile de ma vie!»

Ça m’a sciée. J’ai pleuré. Mes enfants, avec qui je riais quelques instants plus tôt, m’ont regardée, incrédules. Ils te connaissent, alors j’ai brièvement expliqué que tu étais malade. Très. Et que ça me faisait de la peine. Beaucoup. J’ai eu droit à plein de câlins.
À l’heure du coucher, quand je les ai bordés, j’avais les yeux embués.
Je ne sais pas ce que tu as dit à tes petits. Mais je sais que ça n’a pas dû être facile. Incompréhension. Peur. Chagrin.

Heart shape drawn in wheat flour

Élie. Mon amie. Ma belle amie. Ta détermination force l’admiration.
Je t’aime. Je suis là. Je ne peux pas te promettre de trouver les mots qu’il faut, coincés qu’ils seront dans mon cœur et dans ma gorge. Je ne peux pas te jurer que tout ira bien.
Je peux simplement te dire que je suis là.
Que je suis là pour toi. Je suis là pour t’écouter. Ou te préparer tes petits plats maison (même si tu as toujours été une meilleure cuisinière que moi!)
Il te suffit de me dire ce dont tu as besoin.

xx

janvier 30, 2020 — Isabelle Millaire

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