Retrouver son cœur d’enfant… quelques instants.

Par Isabelle Millaire


Pendant quelques instants, j’ai retrouvé, en plein cœur de ce confinement de plus en plus pesant, mon cœur d’enfant. Alors que mon homme ne pouvait aller voir sa mère à l’hôpital, que mes enfants s’inquiétaient pour mamie et que je ne savais plus quoi dire pour rassurer tout ce beau monde, j’ai pris la grosse bouteille de savon à bulles, le bâton façonné pour faire des bulles de savon géantes et je me suis installée dans le stationnement devant notre maison et j’ai fait des bulles. D’abord sans grand succès. Le bâton muni d’une longue corde formant une boucle ne se manie pas si aisément pour une adulte qui a perdu depuis longtemps l’habitude de jouer. Mimone est donc venue à ma rescousse, me sermonnant: «C’est pas comme ça, maman! Regarde!» Et à elle de me montrer comment faire. Les bulles multicolores qu’elle créait s’envolaient haut dans les airs. Une chenille de bulles la suivait alors qu’elle avançait rapidement en tenant bien fort dans ses petites mains aux ongles peints le bâton-bulle. «À toi. Je retourne jouer avec Lou.» Seule dans l’entrée asphaltée, j’ai fait des bulles. Des petites. Des moyennes. Et des grosses! Des très grosses aussi. Tellement grosses que j’ai éclaté de rire. Fière. Surprise. J’ai crié à mes enfants de regarder vers le ciel. Je riais, le soleil dans les yeux. Mon Lou, me regardant moi plutôt que mes bulles, s’est exclamé: «Ouah! Ça fait longtemps que je t’ai pas entendue rire de même!» Et Mimone d’enchaîner: «C’est le fun de t’entendre rire!» Et je riais de bon cœur. Des bulles arc-en-ciel éclataient sur ma tête et je riais de plus belle. Parfois, une bulle s’envolait et mon Lou soufflait de toute la force de ses poumons pour la propulser encore plus loin en hurlant qu’elle allait gagner! Gagner quoi? Jamais su exactement. Une course imaginaire, ai-je présumé.

Faire des bulles comme on fait du tai-chi: avec des gestes lents, précis, comme chorégraphiés. Me concentrer sur la bulle en devenir. Fixer mes yeux sur cette bulle translucide qui s’envole. La suivre du regard. Et recommencer. Encore. Et encore. Faire le vide dans ma tête. Rester dans ce présent plaisant. Amusant. Entendre mes enfants rire. De moi? Avec moi. Continuer jusqu’au bout de la bouteille de savon bulle. Et (se) promettre d’en acheter une autre. Lâcher prise sur les choses à faire. Oublier le repas du soir. La brassée dans la laveuse. Préférer rire. Rire à gorge déployée. Rire à faire tourner la tête du voisin qui balaie son entrée. Rire à faire sourire un passant qui promène son chien. Réaliser, une fois les bulles éclatées, que ce rire nous avait manqué. Réaliser à quel point rire détend. Se demander à quand remontait notre dernier fou rire. Ou le dernier rire sincère partagé avec mes enfants.

Et vouloir recommencer le plus rapidement possible.

Deux petits aux ventres gargouillant de faim ont fini par me ramener à la réalité. À ma réalité de maman. À ma réalité d’être humain qui doit manger! Pendant un instant, je suis redevenue une enfant. Après cet instant, être zen comme après une méditation. La méditation dans l’action? La relaxation par les bulles de savon?! Sourire en se remémorant ce moment. Et ajouter sur la liste des choses à faire: Acheter du savon à bulles.

mai 26, 2020 — Isabelle Millaire

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