Agnès.

Par Hélène Lebon


Tía Mariposa, voici donc le mot de la fin.

J’ai donné un texte à lire car il aura voyagé bien plus vite que moi. Moi, qui ne suis pourtant pas longue à sauter dans un avion à la première occasion. Tu es partie. Tu pars. Tu t’en vas, tu tires ta révérence et mon cœur s’effondre.

Je suis égoïste en écrivant ces lignes. Je voudrais croire que rien de tout ça n’est vrai. Je voudrais qu’à mes prochaines vacances, on se casse dans ta golf rouge sur les routes d’Auvergne en écoutant Khadja Nin, Pink Martini ou William Sheller à fond. Même Garou si tu veux, mais pas trop Higelin qui je l’avoue n’est pas mon préféré. Enfin si tu veux après tout, une chanson ou deux. Je voudrais nous voir sur la route des vacances dans l’insouciance et la folie que j’ai tellement aimé de toi, à couper un peu les virages dans les immenses collines vertes et les volcans, passer prendre la tarte à la myrtille à Besse avant de monter à Bogon. On fera aussi un tour à l’Arbre à bijoux de Superbesse. Puis tes beaux cheveux que tu remontes féline, ta jolie peau de pêche, et tes yeux noirs, tu es si belle! Mais ta golf a été volée ou vendue, la boutique a fermé, je ne suis plus l’ado d’alors et tu étais malade depuis quelque temps.

Nos dernières vacances ensemble, la dernière fois qu’on s’est vu, c’était à St-Malo pour ton anniversaire. Je t’avais surprise comme ça, appelée pour te dire que je traverserais l’océan et hop! Allez viens, on va bouffer des crustacés sur la plage abandonnée parce que c’est l’hiver et il n’y a pas grand monde une fois la Route du Rhum passée dans une de tes villes préférées. Tu ne me croyais pas, mais tu vois, j’ai hérité de ton esprit bohème et spontané. Tu t’es mise à marcher plus de 5 km par jour, libérée par les remparts, à respirer l’air marin. Tu avais repris dans ces quelques jours ensemble, ta face de liberté, liberté chérie. Je ne voyais pas le vent dans ta perruque, seulement le souffle qui t’habitait, cette énergie formidable qui a toujours fait de toi un de mes modèles de femmes, un pilier, un exemple.

Bien sûr tu étais fatiguée, mais ça, je ne m’en souviens pas. Je me souviens seulement du champagne le 16 novembre, des rires, de notre complicité qui n’a jamais faibli, nos vidéos envoyées à Mario pour lui dire qu’on est bien ici et qu’il devrait venir. Tu ries. Tu manques de tomber dans la mer car les rochers glissent mais je t’ai rattrapée et on s’est juste mouillé les pieds. Bien sûr la mer est froide, mais c'est encore plus drôle comme ça.

La semaine passée tu vois, je n’ai pas su te rattraper. Tu as glissé doucement vers l’autre rive. Doucement, c’est ça que papa et maman m’ont dit, car maman t’a tenu la main jusqu’à la fin.

Quand papa m’a écrit, je regardais le soleil réveiller Tokyo, du haut de ma fenêtre d’hôtel au 13e étage. On avait fait la fête la veille avec notre ami musicien, tu sais, celui dont tu as vu la vidéo avant de partir, et qui chante Hallelujah en japonais. La veille on était passé au temple et mon vœux, je peux bien le dire maintenant, c’était que «tout s’arrange et se dénoue pour ceux que j’aime et pour les autres, que les situations de peine cessent et que celles de bonheur s’amplifient». Et dans le même temps, tu es partie. Je te souhaite bonne route et où que tu sois, je sais que tu vas briller autant que tu auras brillé dans ma vie. Je te guette dans le ciel à côté de mamie et de tous ceux qui sont partis, toujours trop tôt à mon avis. Merci de m’avoir fait aimer les lentilles, apprivoiser les épices et l’espagnol, découvrir des musiques, des lieux, des gens, y compris moi-même. Merci de nos sourires, de nos fous rires, de nos câlins. Merci pour tout, tellement, toujours. Je t’aime et même si tu l’as toujours su, je te le répète encore: je te porte dans mon cœur comme dans ma vie, épinglée sur la trame des jours où je respire. Tu es là quand je ris, tu es là quand je pleure, tu es là quand je réussis ou quand j’apprends encore, car tu es là, tu vis dans ma vie, façon «tricotée serrée».

Adios! Te quiero!

Maman, c’est maintenant à toi que je m’adresse. Ta petite sœur nous a quittés et je te trouve merveilleuse et grande d’avoir été là. Je sais que ça n’est pas facile et pardonne-moi d’être encore loin cette fois. Je sais qu’il y a Carole et papa, mais ça n’est pas une excuse. Je suis là quand même et je sens ta peine, mamita. Mon cœur est avec toi. Mon cœur est penché ici, fendu sur les épaules de notre famille. Et Agnès m’a encore appris une chose tu vois, c’est de ne pas attendre pour dire à nos proches combien on les aime. Alors d’aussi loin que je suis, je t’aime maman et je vous aime toutes et tous ici.

À bientôt,

Hélène

février 25, 2020 — Hélène Lebon

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