Famille de thé - Love y Amor Reina - Lebon Trait d'union

Par Reina Cynthia Sakao

Ce Love y Amor vous amène au pays du soleil levant et vous plonge dans le monde du thé. Une passion commune, un amour partagé, c’est l’histoire de Takejiro et Sonoko, entre tradition et héritage ou comment deux cœurs qui s’unissent ont fondé à la fois une famille tissée serrée et une entreprise solide. Voici l’histoire à l’origine de la maison de thé Sakao, dont je suis l’héritière.

Des villes différentes mais un destin commun

Mon grand-père Takejiro est né dans une famille de thé à Shizuoka. Son père avait une plantation de thé. Il délivrait sa production typiquement japonaise à la Tea Commerce & Industry's Association of Shizuoka Prefecture, l’association de thé par laquelle il exportait sa production aux États-Unis. Pendant l’ère Meiji (1868-1912), le thé vert japonais de Shizuoka était le seul thé qui était connu et disponible comme un thé japonais dans le monde.

Ma grand-mère Sonoko est née également dans une famille de thé à Shinjuku, un quartier de Tokyo, aujourd’hui bien connu pour sa vie animée, les néons et le monde des affaires qui y est implanté. D’ailleurs, c’est toujours là que se situe notre boutique tokyoïte! Avant d’ouvrir sa boutique, le père de ma grand-mère Sonoko venait de Shizuoka; il connaissait donc la famille de Takejiro. En fait, drôle de coïncidence, il avait même travaillé quelque temps pour la compagnie de la famille de Takejiro dans la plantation de thé.

 

Des racines japonaises, des liens de coeur

Mon arrière-grand-père, le père de Sonoko, est parti aux États-Unis plusieurs années «pour voir le monde», comme on dit, et étudier le commerce international. 85 ans plus tard, moi, Reina, son arrière-petite fille, je vis au Canada depuis 14 ans. Le parallèle que je note dans cette histoire semblable à la mienne m'étonne et me fait sourire.

À son retour en 1934, mon arrière-grand-père s’installe à Tokyo et lance son magasin de thé à Shinjuku. Il propose du thé de qualité provenant de la plantation familiale de Takejiro. C’est dans ce contexte que mon arrière-grand-père va présenter le jeune Takejiro à sa fille Sonoko. «J’étais un peu gêné, mais j’avais des papillons dans le ventre quand j’ai vu Sonoko pour la première fois», me confie mon grand-père Takejiro, esquissant un sourire complice alors qu’il me raconte leur histoire d’amour.

Faire ses preuves, créer une rencontre

Depuis toujours, mon grand-père Takejiro est le stéréotype même du travailleur japonais tel qu’on se l’imagine: il travaille dur, beaucoup, avec un dévouement sans faille. Son éthique de travail est si solide... qu’il continue encore aujourd’hui à 92 ans! Dans la famille ou le voisinage, tout le monde vous dira qu’il se réveille tôt chaque matin pour ouvrir son magasin. D’ailleurs, vous verrez sous peu son sérieux, car c’est lui qui a tracé les calligraphies dans les coffrets de thé (bientôt disponibles ici). Déjà à l’époque, le père de Sonoko était très impressionné par son sens du devoir et c’est pourquoi il a présenté Takejiro à sa fille Sonoko sans hésiter!

 

Unir famille et affaires

Mes grands-parents se sont mariés le 17 octobre 1953 au sanctuaire Meiji Jingu, à Tokyo, un an après leur première rencontre. Takejiro a déménagé à Tokyo pour habiter avec Sonoko et sa famille et il a ainsi participé au développement de notre entreprise familiale de thé dans la capitale. «Mon beau-père, le père de mon épouse Sonoko, était très sociable! Il était tout le temps avec ses amis, alors c’était toujours moi qui faisait les livraisons de thé à vélo à l’époque!» se souvient-il encore.

Takejiro et Sonoko ont eu leur premier enfant en 1954: ma maman. Par la suite, ils ont eu deux garçons qui travaillent encore avec eux de nos jours au sein de notre entreprise, l’un à Shizuoka, l’autre dans notre boutique à Shinjuku. Ma mère aide aussi leur père. C’est resté très familial!

Une famille heureuse, un destin tracé

Mais je ne peux pas vous parler de leur histoire sans mentionner un épisode clé car notre famille, moi incluse, aurait pu ne pas voir le jour! En effet, en 1945, Takejiro était un homme dans la fleur de l’âge et il avait été sélectionné par les autorités japonaises pour être envoyé à la guerre comme Kamikaze. Au Japon, «kami» fait référence à une divinité, un esprit et «kaze» au vent. Donc, à l’origine, les «Kamikazes» étaient des «vents divins». Ces soldats allaient sacrifier leur vie dans des attaques suicide pour leur pays. Le sens de ce terme a évolué de nos jours, mais à l’époque, c’était le destin qui attendait Takejiro.

 

 

Heureusement, mon grand-père Takejiro n’a pas eu à partir car la guerre s’est terminée avant son départ. Dès lors, la deuxième partie de notre histoire de maison de thé a commencé.

Un héritage commun, une passion partagée

Je crois au destin et je pense que c’est un destin qui s’est écrit il y a plus de 100 ans entre ce jeune homme dont la famille produisait le thé et cette jeune femme dont la famille avait une boutique de thé. Je me sens très honorée de pouvoir raconter l’histoire d’amour de mes grands-parents, cette belle histoire de famille et, surtout, de partager notre tradition familiale centenaire.

Je me demande parfois ce que mon arrière-grand-père - le père de Sonoko - me dirait s’il me voyait ici, au Québec, avec ma propre compagnie de thé, mais travaillant encore avec notre maison de thé familiale de Tokyo? Serait-il heureux? Fier? Ce qui est certain, connaissant sa passion pour le monde comme me l’a dit Takejiro, c’est qu’il en parlerait avec tous ses amis!

 

janvier 14, 2021 — Reina Cynthia Sakao

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