Suemarr: chronique d’une vie chantée

Par Hélène Lebon

Alors que notre documentaire sur Suemarr sort enfin, j’ai voulu prendre de ses nouvelles au-delà de nos messages succincts que l'on s’échange de temps en temps. «Ça fait presque un an que nous nous sommes rencontrés. Comme tout le monde alors, nous n’avions aucune idée de l’ampleur que prendrait la pandémie à ce moment-là. Nous avons eu assez de chance pour vivre des moments heureux et forts, me confie-t-il quand je lui écris. Ces jours heureux me manquent.» Presque un an après notre rencontre à Yokohama et Tokyo, sa vie de «troubadour moderne» a été affectée par les mesures sanitaires, mais pas sa foi créative. Retrouvailles avec mon ami, cet indomptable artiste. 

Entrevue Suemarr + Lebon Trait d'union

Entrevue réalisée en février 2021

La pandémie rime avec «restrictions». Cela nous affecte tous dans notre quotidien, mais peut aussi avoir des répercussions sur notre santé mentale. Aujourd’hui, comment vas-tu? 

Ça va, je suis plutôt chanceux. Pourquoi je me trouve chanceux? Peut-être parce que je suis un artiste. 

Je n’ai pas besoin de prendre les transports en commun aux heures de pointe, le nombre de fois où je dois me mêler aux foules est très restreint. Pour autant, peu importe les précautions que l’on prend contre le virus, on ne peut jamais être sûr à 100% d’être protégé. Aucun de mes amis ou proches n’a contracté la maladie, donc de ce côté-là aussi je me considère épargné. Cela dit, bien sûr, je trouve ça difficile en ce qui a trait à ma vie de chanteur et ça représente une part importante de ma vie, comme tu sais. 

Est-ce que la situation a eu un impact sur ta créativité? Est-ce que tu écris plus, par exemple, ou est-ce qu’elle s’est immiscée dans tes productions? 

Je pense qu’elle aura un impact. Mais je n’écris pas directement des mots ou chansons dessus. La source de ma créativité est en moi, donc j’écris des poèmes et des chansons pour moi, en tout temps. Et je chante pour moi. Pour être honnête, humblement, je n’ai aucunement le désir d’impressionner les gens. Cela dit, bien sûr, quand je chante pour quelqu’un, quand je suis en face d’une personne ou du public, je me considère extrêmement heureux si je peux toucher le cœur de ceux qui m’écoutent. 


Entrevue Suemarr + Lebon Trait d'union


Comment vois-tu ton rôle d’artiste dans toute cette situation? 

Je pense que mon rôle est très personnel. Comme tu le sais, je ne chante pas devant des milliers de personnes en même temps de toute façon. Je n’ai pas d’impact sur la société en général. Par contre, je crois que les rencontres, à échelle personnelle, sont très puissantes. Les chansons plus intimes font des «petites vagues». Et quand je peux bâtir une relation de confiance où les gens perçoivent cette petite vague, sont touchés, c’est pour moi un véritable trésor. Des gens comme toi, en somme! C’est ce qui me fait penser que je n’ai pas tort… 


Entrevue Suemarr + Lebon Trait d'union


Tu es un chanteur, un artiste de scène qui joue dans les bars pour gagner sa vie. Or, les bars ont fermé, rouvert, fermé, rouvert avec une capacité d’accueil restreinte, bref, comment ça se passe pour toi en ce moment? 

Quand tout est fermé, j’en profite pour flâner sur internet et regarder tes publications sur Instagram! Hahaha! Non, plus sérieusement, si je n’étais pas un artiste, je me dépêcherais de trouver un travail stable rapidement. Mais j’ai un rôle en tant que chanteur. Je crois en cette vocation. Je passe donc mon temps à écrire des textes et des chansons et, parfois, les gens s’imaginent que c’est une façon libre de vivre ma vie. Sans doute. Mais ce n’est jamais facile. Je suis toujours hors des sentiers battus,un peu comme un chat sauvage… Les droits de la série Midnight Diner ne sont pas très élevés en tant que tels. Mais au-delà du financier, [cette participation à la série] me donne l’opportunité de découvrir et connecter avec des gens à l’étranger. Comme toi, par exemple! Et ça, c’est quelque chose qui me remplit de joie. 

Le Japon, qui ne peut légalement pas être en lockdown, propose une petite compensation pour ses citoyens (surtout en culture et en art). Les petits bars et cafés organisent des événements privés tôt en soirée les fins de semaine, je fais donc des performances solo comme ça. Ça m’aide beaucoup. En fait, heureusement que je suis invité pour y chanter! C’est là qu’on voit combien les relations personnelles sont importantes. 


Entrevue Suemarr + Lebon Trait d'union


Quand on a fait l’entrevue pour le documentaire, tu m’as dit que l’ombre et la lumière notamment, étaient des sources d’inspiration. L’année qui vient de s’écouler a eu son lot d’heures heureuses et sombres… Comment te souviendras-tu de 2020?

Pour ce qui est de la lumière en 2020, c’est toi! Quand je t’ai vu devant la station de métro de la petite ville où j’habite, il y avait une lumière éclatante. Et à l’inverse, le décès d’un de mes amis m’a plongé dans une certaine noirceur. L’ombre et la lumière secouent toujours mon cœur. Mais je ne vais pas le consigner dans un travail «premier degré». Quand je regarde vos photos de l’Île-du-Prince-Édouard, à Mario et à toi, ça m’inspire. Je peux ressentir la part d'ombre et de lumière qui coexistent dans chaque photo et chaque texte qui l’accompagne. Je suis stimulé par toutes ces lumières et ces ombres que je vois, que je ressens, qui sont dans mon propre cœur et dans celui des gens que je rencontre. Puis l’imagination fait son œuvre. 

Au début de chaque année, nombreux sont celles et ceux qui prennent de nouvelles résolutions. Mais 2020 nous a appris qu'il ne faut parfois pas planifier trop en avance avec la COVID. Pour autant, qu’est-ce que tu souhaites pour 2021?

Tout le monde est dans une situation difficile. Aucune vie n’est facile et chaque but s’atteint en travaillant dur. Mais le travail ardu doit être récompensé. Quitte à passer par des moments difficiles, je voudrais que ce soit pour vivre heureux, pas seulement pour survivre. Il y a un sourire derrière cette vision de la vie. Je suis profondément convaincu que nous pouvons être heureux. Je pense que tout le monde devrait pouvoir être heureux. Le temps que nous avons à vivre n’est pas éternel, c’est donc un temps précieux qui nous est octroyé. Ce temps-là, moi, j’ai décidé de le vivre en chantant. 


********************************

Nota Bene: Cette entrevue vous inspire? Retrouvez notre documentaire sur notre page Youtube et si vous souhaitez l’encourager, nous proposons un portrait de lui parmi nos photos de voyage. Afin de soutenir son art, tous les profits reliés à la vente de son portrait lui seront remis.
avril 19, 2021 — Hélène Lebon

Laisser un commentaire

Veuillez noter que les commentaires doivent être approuvés avant d’être publiés.