Le thé fait le temps - Lebon Trait d'union

Par Hélène Lebon

D’abord, il y a le choix du thé. Ensuite, celui de la théière. Puis, il y a l’eau qui chauffe et qui ronronne ou qui siffle. Suit le rire de l’eau qu’on verse. Une courte attente. Les feuilles se déplient. Maintenant, on retire le thé ou on verse le breuvage dans une tasse. Et alors que tout commence, tout est en pause. Alors, seulement, la chaleur diffuse, la vapeur réconfortante et l’odeur délicate nous enveloppent.

J’aime le thé pour le temps qu’il crée.

Du travail de tous, naît le plaisir de chacun

 

J’aime du Japon que, sous l’impression de tout contrôler, réglementer, organiser, il y a aussi un formidable envol pour ce qui suit. Prenons le thé. Comme l’explique mon amie Reina Sakao, 4e génération de la maison de thé familiale à propos des théières, «les kyusu sont fabriquées pour le thé vert japonais. Au Japon, nous préparons le plus souvent le thé en vrac. Ces théières permettent aux feuilles de thé de se déployer, ce qui n’est pas anodin! Elles viennent avec un système de filtre en acier inoxydable spécifique pour que les feuilles ne tombent pas dans la tasse car - bon à savoir - les feuilles de thé vert japonais sont plus petites que celles de thé chinois.»

L'artisanat, gardien des savoirs et des sens

 

Le choix de la matière pour la théière aussi relève d’une recherche et d’un soin particulier à vouloir magnifier le thé et l’expérience qu’on en a. «La céramique Tokoname aide à éliminer les impuretés contenues dans l’eau et il y a un effet qui adoucit le goût du thé et permet de balancer l’amertume et l’umami», souligne encore l’héritière Sakao. Quand on se rencontre elle et moi, c’est d’ailleurs souvent autour d’une tasse de thé, ce thé qui nous rassemble. Reina en a une grande variété, mais mes préférés sont encore, pour le thé vert, le sencha et le genmai-cha.

 

Thé japonais - Lebon Trait d'union

Au quotidien

 

Ma consommation de thé va de pair avec la saison, mon humeur, mais aussi avec ce que je lis! Je le reconnais, je me mets en mode immersif et quand je lis sur le Japon, par exemple, ma consommation de thé vert augmente. La préparation de mes plats aussi est teintée par mes lectures, surtout si la gastronomie en fait partie. (Ce qui est souvent le cas dans les œuvres japonaises et qui reflètent bien le rôle central de la nourriture et le souci de l’esthétique dans l’assiette). D’ailleurs, Reina ne fait pas exception! «Quand j’ai déménagé à Montréal en 2007, on savait qu’il n’y avait pas beaucoup d’options de thé vert japonais. Alors mes parents ont mis plusieurs sacs de thé vert avec une théière kyusu dans mes valises.» Aujourd’hui, l’offre de thé se diversifie mais pour autant, prend-t-on le temps d’apprécier comme il faut ces instants?

À la recherche du temps suspendu

 

Quand on a demandé au grand-père de Reina s’il voulait bien nous préparer des calligraphies pour nos coffrets (bientôt disponibles!), il a choisi de représenter l’Harmonie et la Beauté.

«和 Harmonie met l’emphase sur le soin, le souci du détail que l’on apporte à la cérémonie du thé, m’explique-t-elle. Mais si on extrapole, c'est exactement ce dont on a besoin dans notre vie quotidienne, de l’harmonie. L’autre est 美: Beauté. Les Japonais trouvent la beauté dans l'imperfection. C’est important de pouvoir trouver des beautés dans les petites choses, dans la vie quotidienne ou dans l’imperfection.»

Les instants de thé ne sont pas instantanés. Et ça fait partie du plaisir du thé. Partager un moment ou s'offrir une pause dans le tourbillon du quotidien. Tout va vite. Trop. Ralentir l'allure. Prendre un thé, c'est s'arrêter pour voir la beauté. Goûter l'harmonie. Et ça, c'est un bien joli cadeau à se faire. Une tasse à la fois.

 

Thé japonais - Lebon Trait d'union
janvier 07, 2021 — Hélène Lebon

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