Tout quitter d’Anaïs Vanel : ode à la mer et à la liberté

Par Hélène Lebon

J’ai lu Tout quitter de Anaïs Vanel avec une boulimie obsessive, le dernier soir de mes vacances. Juste une page, juste une page à la fois et j’ai bouffé tout le bouquin en une soirée. Je n’ai pas eu sommeil, pognée par les cheveux par cet élan de liberté, scotchée de renaître avec Anaïs. J’ai eu moi aussi mon lot de vitamine D et senti ma peau dorer sous son soleil. Depuis, je me suis acheté une «Ripsurf» en attendant de pouvoir aller dans l’océan ici, pour découvrir «le surf», puis j’ai ressorti mes maillots de bain.


Tout quitter, simple de même 

Tout quitter. Le titre trop bien pensé d’une nana qui était éditrice et qui sait que les titres courts et clairs captent l’œil du potentiel lecteur. C’est vrai, remarque. Mais moi, c’est la couverture repérée dans un article consacré sur France Culture, la couverture qui me rappelait une carte postale qui a longtemps été dans mon décor de maison et que j’ai encore. Et puis, cette phrase: «J’ai pris la route comme ça. Après ma journée de boulot, comme on part en week-end.» et puis encore: «J’ai éventré les cartons. Trouvé mon maillot de bain. Et je suis allée me jeter dans les vagues.» Voilà d’abord je comprends, l’urgence de partir, et je reconnais l’urgence de partir à la mer. Simple de même, j’ai fait ça en septembre. Mais tout quitter, c’est un acte très responsable. Responsable envers soi-même. 


Le retour à la mère

Je n’avais pas réfléchi à cette obsession chronique que j’ai pour la mer. Je crois que Tout quitter m’a aidée là-dessus. Sur le retour amniotique dans la mer, dans les vagues, dans cette masse plus grande que nous. Le retour de l’«en-dedans quelque chose qui nous porte» et dont on n’est pas responsable. Et l’horizon à l’infini, comme une nouvelle vie, comme le droit de recommencer, faire autre chose, autrement. Restart, reboot, reinvent. La mer, ça te fait renaître, sans distinction ni flafla, ouvertement, ça te donne le droit de renouveler ta vie. La mer se prête à toi et la gestation peut prendre longtemps, ça dépend de toi. Tu peux mourir aussi. Mourir dans ce liquide, mourir dans ta nouvelle vie. Mais tu peux vivre aussi. Prendre le temps que ça prend pour t’accoucher de toi. Il y a dans les bras de l’océan, des vagues d’amour pour soi et de nouvelles opportunités. C’est à toi. Tu te nais. 


Ode à la liberté

À ma pratique quasi quotidienne de yoga, je dois la reconquête de mon corps que je comprends de la sienne avec le surf. Elle a dit en entrevue: «C’est étonnant de se reconnecter avec son corps quand on a vécu des années avec un cerveau». Car un cerveau juge, compare, intellectualise. Un cerveau, ça théorise, mais la vie, ce n’est pas que de la théorie. J’ai eu ce besoin de retrouver mon corps, moi aussi, mes sens et mes sensations. «Je crois qu’on ne construit rien avec l’idée des choses. Je crois qu’il faut s’autoriser à la sensation des choses» écrit-elle. Mon bouquin en cours d’écriture parle de ça. Car la liberté se dévoile à fleur de peau. Car ce qu’on ressent vaut la peine d’être écouté, car en nous, ce deuxième cerveau qu’est l’intestin, nous donne faim de vivre et ce serait bête de se priver. 


Les vacances éternelles 

À quand remonte ton dernier souvenir «libre et heureux(se)»? Non, pour vrai, c’est quand la dernière fois que tu as marché pieds nus, le vent dans la face, content(e). Peut-être même que tu as couru. Ou crié. Ou que tu es allé(e) à tout blinde sur une planche, des skis, l’eau, la neige ou l’asphalte. Quand est-ce que tu as rompu avec le carcan dans lequel tu es trop serré(e)? Anaïs avait gardé de ses vacances d’ado à la mer un sentiment de liberté. Bonheur. C’est ce qui l’a guidée. Anaïs Vanel, je l’appelle Anaïs comme si on se connaissait alors qu’il n’en est rien, mais je me permets cette familiarité. Je me plais à penser qu’elle doit être bien chill comme fille et puis, on est unies par la mer et la réorientation de nos vies. «Chaque enfant a une vision claire, quasi prophétique, de l’existence qu’il entend mener. Au fil des années, nous l’oublions.» Finalement l’ami(e) retrouvé(e), c’est moi.


Mon berlingo est un camion qui roule vers l’Atlantique 

C’était en mai ou juin qu’on a parlé de déménager. J’avais déjà marmonné en sourdine que je voulais voir la mer, vivre à la mer. Je l’avais mâché, répété, aller à la mer. Et puis c’est arrivé, comme ça, en quelques mois, quelques cartons plus tard et en route. 12h30 de route, fait sur deux jours. On a pris nos cartons et M.Ila, presque tout donné ou vendu et on a déménagé sur l’île-du-Prince-Édouard. Pour le chalet qu’on a loué à notre arrivée et notre confinement, on a eu la bonne idée de le prendre à côté de la plage. Dès qu’on a pu sortir, j’ai mis les deux pieds dans l’océan. C’est moins spectaculaire que de «se jeter dans les vagues», mais c’était froid et tout autant salutaire. J’aime ces romans, ces autobiographies romancées, j’aime les ponts qu’elles créent avec l’écrivain(e). J’aime aussi son approche décomplexée du surf. Elle a appris tard et alors? Moi aussi je peux. Moi aussi je veux. Reste le temps, le dévouement et la régularité pour se consacrer au reste de mes jours heureux. Changer de vie n’est pas un long fleuve tranquille, mais c’est toujours mieux que de rester à la dérive.

mars 12, 2021 — Hélène Lebon

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