Love Y Amor : Amour belge au Canada

Par Hélène Lebon

Quand je les rencontre, elle n’est pas là. Mais Manu en parle avec tellement d’amour que c’est comme si elle était avec nous quand on a fait sa connaissance lors d’un événement francophone sur l’île. Car cette histoire d’amour se passe sur l'Île-du-Prince-Édouard, mais elle est née en Belgique. Aujourd’hui, je vous présente Céline et Manu, un couple avec des enfants chacun de son côté et sur l’autre rive de l’Atlantique, qui se sont mariés en Belgique et sont venus construire leur vie au Canada. 

La complicité inébranlée 

Les statistiques sont contre eux. Quand je leur dis que leur complicité toujours présente après presque deux ans ici m’étonne un peu et que nombre sont les couples qui immigrent ensemble, puis se séparent car chacun des partenaires vit l’immigration différemment, ils se regardent, incrédules. «Au contraire, ça nous a rapprochés, lance Manu. Je l’ai découverte encore plus forte que je ne la connaissais! Elle me rend vraiment fier d’être à ses côtés.» Céline enchaîne, «Moi, je lui ai dit: Je suis ton sac à dos, où tu vas je te suis.» Et on n’a pas de mal à le croire. Manu est un grand gaillard, un costaud toujours souriant, mais parfois, il se laisse gagner par l’émotion. «Quand elle me regarde comme ça, amoureusement, je me sens Dieu, il n’y a rien que je ne pourrais pas réussir. Elle me donne ma force. Je ne serais pas là sans elle.» Elle répond par des larmes aux yeux et un sourire entendu. Je ne sais pas trop qui des deux soutient l’autre, mais chose certaine, leurs chemins empruntent la même route. 

Céline et Manu + Lebon Trait d'union

La famille écartelée 

Manu a une fille, Élise. Céline a deux pré-ados, Yanelle et Sam. Quand ils en parlent, ils ont des étoiles dans les yeux, leurs mômes, y’a pas à dire, ils les aiment d’amour. Mais il y a aussi une petite tristesse, comme un pincement au cœur qui transparaît jusque dans leurs pupilles. «Ils sont chez leur papa dans mon cas, explique Céline. On en a discuté avec lui et le temps qu’on prenne nos repères ici, on a considéré que ce serait plus stable pour eux qu’ils viennent une fois que nous serons vraiment bien installés.» Manu renchérit «on a eu de la chance de s’entendre aussi bien avec l’ex de Céline. On n’aurait pas pu partir sinon.» 

Les enfants attendus 

Leur rêve canadien demande des sacrifices, à commencer par la distance avec leurs enfants, bien sûr. «Ils sont venus en vacances, mais ce n’est pas notre «chez-nous», et puis, venir en vacances ce n’est pas comme aller à l’école et se faire des copains sur place», avance Céline. «Ils ont eu quand même un aperçu, explique Manu, on s’était entendus là-dessus», poursuit-il. «Je ne suis pas une mère qui doit en permanence vivre collée à ses enfants, explique Céline. Je sais que ça peut être mal vu de dire ça, et pourtant, j’aime mes enfants et je suis très maternelle!». Et ne lui demandez pas s’ils lui manquent, car on sent bien que oui. Quand elle les mentionne, sa bouche devient sourire et une tendresse infinie adoucit ses traits. La COVID n’a pas trop bousculé leur plan de visite, ils sont venus l’été passé. Pour l’avenir, ils verront. 

Une vie en potentiel 

Heureusement, Manu est un gars positif et il me confie leur plan. «Pour les enfants, ils pourront avoir une double nationalité, une double-culture, on va leur donner un solide bagage pour la vie.» D’ailleurs, le couple est unanime, si laisser les enfants en Europe le temps de re-créer un foyer pour les accueillir ici n’est pas chose facile ou commune, les critiques ont été plus nombreuses en Belgique qu’au Canada. «Là-bas, on a senti des reproches, explique Céline, les gens n’ont pas forcément compris.» Manu enchaîne «ici, c’est différent, les gens nous trouvent courageux d’accepter de nous en séparer un moment et voient tout de suite le potentiel, la vie qu’on leur construit. Petit pays, petit esprit, grand pays, grand esprit», s’amuse-t-il. Tous les deux sont impliqués dans la communauté francophone évangéline, travaillent en français et habitent à North Rustico «Ah! La plage! C’est vraiment beau ici!», s’exclame Manu. Céline acquiesce. 

Pomme d'amour et feuille d'érable

Si l’immigration était un fruit, il aurait sans doute une saveur douce-amère. Douce pour ce que l’on rêve, planifie, découvre et amère pour ce qu’on laisse derrière, amis, famille, ceux qui comprennent et ceux qui critiquent. «Mon père m’a envoyé un message..., la voix de Céline étouffe un sanglot, elle s’arrête un instant et Manu l’enveloppe d’un regard tendre. Elle se fie à ses yeux. Elle reprend. «Il nous souhaitait bonne chance, à tous les deux.» L’immigration est un drôle de passage, plus ou moins facile, selon les cas, mais qui implique toujours un processus de réapprendre, refaire, retrouver ses repères. «Au début, je voulais que Manu vienne avec moi au supermarché, en plus, je ne parle pas beaucoup anglais, et il n’y a pas les mêmes produits! J’étais perdue... mais maintenant, ça va.» Il renchérit, «on est même en avance sur notre planification: Céline a pu changer de job au bout d’un an, faire le changement de visa sans problème donc, bon, on est contents.» Une étape de passée, un succès à la fois. 

Ensemble et c'est tout 

Ils viennent de demander la Résidence Permanente. Je connais ce stress, «alea jacta est» ou presque. Notre vie tient dans un formulaire et il faut attendre. Payer et attendre. Après les choses sont plus simples, comme acheter une maison ou faire venir les enfants. En attendant, Céline et Manu s’accrochent au futur et portent des bouts de leur histoire comme un trésor en carte postale. «Je voulais me marier avant 35 ans, je lui avais dit» m’explique Céline, «Ça n’était pas un problème, moi dès que je l’ai vue, je voulais l’épouser» ajoute Manu. Ils me racontent aussi sa demande en mariage, chacun son ressenti, la jolie vue; il avait tout prévu. Et puis la cérémonie, ils terminent les phrases l’un de l’autre, mais ne se marchent pas sur les pieds. Quand ils parlent, je le vois bien, on dirait qu’ils dansent. Je laisse les questions s’estomper, je range mes notes et termine l’entrevue, mais ils sont ces amoureux même hors micro. Si vous aussi vous êtes sur l'Île-du-Prince-Édouard, allez donc leur parler d’amour, de changer de vie ou simplement du coin. Leur bonheur est contagieux et ces temps-ci particulièrement, il fait du bien.

Céline et Manu + Lebon Trait d'union

mars 14, 2021 — Hélène Lebon

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