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"Gauguin, portraits" valait bien l'aller-retour

On est allé voir l’expo Gauguin, portraits. Dernière heure, dernier jour, ce dimanche 8 septembre avant que tout soit démantelé et renvoyé dans les musées et galeries propriétaires. 24$ + taxes pour voir des visages, des faces, des bustes. Croiser des regards centenaires, figés dans la toile, comprendre un peu plus l’artiste, sa démarche, son besoin d’évasion, sa liberté d’interprétation. Son investigation de la représentation rejoint un peu ma recherche d'identité et d'altérité. Mais surtout, un dimanche au musée, le rêve.

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Le penseur de Gauguin

L’exposition Gauguin, portraits comme un trombinoscope.

C’était une belle expo rue de Sussex. Une expo complète, pensée pour courir sur une vaste période de la vie de Paul Gauguin, Gauguin l’Européen, Gauguin des Îles, Gauguin et ses amis artistes. J’y découvre sa vie de famille ratée, les portraits de ses enfants, certains de son cercle d’amis ou disciples. J’aime bien ses traits, ses portraits, ses styles. Ce que j’aime le plus, c’est la liberté dans ses portraits de lui-même, un air de "rien à carrer". Un air détaché et parfois impérial, souvent sérieux mais pas trop, avec partout, la même ombre sous les cernes.

C’était la fin et j’ai découvert sur le tard les espaces collaboratifs où le public était amené à dessiner son propre portrait et le placer dans des cadres les uns par dessus les autres, de sorte que le mur changeait tous les jours, au gré des visites. Du mouvement, immuable, de visages qui s’affichent et se succèdent. Une foule sentimentale de chefs-d’oeuvre en approbation, eux aussi au musée, corrélativement exposés pour l’occasion.

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Des mots de visiteurs, entre critiques et compliments

Gauguin, mon passeport vers l’imaginaire

Mais moi, ce que j’aime de Gauguin, ce sont ses tableaux des Îles. Aujourd’hui, certains critiquent, certains qui ont laissé des mots durs à la fin de l’expo, le colonialisme y est ciblé. Et ça se comprend. C’était une époque de découverte et les gens n’étaient pas moins dans le jugement de l’Autre. Les voyageurs, les explorateurs, tous sont partis avec des idées toutes faites qu’ils ont traîné dans leurs bagages et sous les tropiques. Mais je n’aime pas Gauguin pour ça. Je l’aime pour la chaleur de ces toiles qui me transporte. Les couleurs, la douceur des cheveux, l’aura des sujets, le mystère, l’ailleurs, je n’ai pas vu plus belles cartes postales. Ils sont beaux, ses gens du Pacifique. L’Autre devant nous est beau, est belle. Les portraits se font prendre en photo comme des vraies personnes. Gauguin est mort, mais eux sont là, devant nous, souriants et jeunes.

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Tête-à-tête avec Tehamana

Un musée sobre, des oeuvres soignées

Le bâtiment du Musée des beaux-arts du Canada qui les abrite fait aussi son effet. Avec son entrée de cathédrale, ses plafonds vertigineux et partout de la pierre grise pour nous accueillir, c’est un espace formidable qui force le respect dès qu’on y pénètre, entre recueillement et admiration. J’aime les musées bien faits. Les musées qui font respecter les oeuvres qu’ils couvent. On est arrivé de Montréal, avec 5 minutes d’avance pour prendre nos billets heureusement achetés par téléphone. Nos billets de la dernière heure, plus possibles à prendre sur internet.

Le canevas de cette visite

L’urgence, plus de 2h15 de route, quitter Montréal en trombe, déjouer le trafic et le pont Jacques Cartier fermé. Voir ses faces tahitiennes. Car d’entres toutes, ce sont elles qui retiennent mon attention. Elles sont à mon coeur d’enfant, l’interprétation personnelle de la jeunesse de mon père. Papa, ce marin. Officier mécanicien dans la marine marchande, lui et ses tours du monde, ses voyages à Tahiti, ses photos jaunies, qui m’ont toujours donné le goût de l’ailleurs. Pas que l’herbe y soit plus verte. Pas que l’on y vive mieux. Mais le quotidien y prend une autre dimension. Gauguin l'imparfait a traversé les océans en quête d'un certain idéalisme. Vivre à l’étranger, assez longtemps pour se créer des habitudes hors de notre territoire primaire, c’est aussi, un peu, faire la nique à la routine sur une toile vierge qui n'attend que nous. Opposer au mouvement de l’histoire la curiosité géographique et conserver son émerveillement, c’est ça que j’aime le plus de ma vie d’expatriée et c'est aussi pourquoi je voyage.

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Tranquille et éternelle, Tehamana et ses Ancêtres

Nos souvenirs se rejoignent

Après on est aller souper chez Perkins. 20 ans que tu n’y étais pas aller. 20 ans d’habitude tassée, à y retrouver Jack, des dimanches soirs à cette place de dinner 24h qui sert un pot de café au complet et pas des tasses. Du café fort à part de ça. On a parlé de quand mes parents allaient venir, ce qu’on allait leur faire voir pour leur première visite. On a repris la route, j’ai conduit tout le long. Je le dis parce qu’une fois n’est pas coutume, parce que conduire ne m’est plus vraiment naturel et que plongé dans ton jeu, tu as été à mes côtés juste ce qu’il faut.

J’ai conduit pour aller à Ottawa, tu m’as accompagnée au musée, on a vu Gauguin, portraits in extremis. Voilà, dimanche est passé vite de même et me remplit de joie. De l’art et du temps ensemble. Et vous, c’est quoi votre fin de semaine idéale?

septembre 10, 2019 — Hélène Lebon

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