Les marques de la vie

Par Isabelle Millaire

C’est par le touchant article de ma collègue Cheryl, Kintsugi-moi ou l'art de se réparer que j’ai appris ce qu’était le Kintsugi.

«La technique du Kintsugi consiste à utiliser de la laque d’or pour réunifier les pièces d’un objet brisé en créant des motifs magnifiques qui transforment ces objets réparés en pièces d’art uniques.»

J’aime beaucoup cette idée que ce qui est abimé n’est pas seulement réparé, mais magnifié. Ici, on ne tente pas de cacher. Au contraire, on montre. On exhibe la cassure. La faille.

La marque est là, on ne tente pas de la camoufler ou de la soustraire aux regards.

Je pense qu’il devrait en être de même du corps des femmes. Les marques du temps, comme les marques des grossesses, ne devraient pas provoquer la honte. Ni la gêne.

Je vais avoir 43 ans.

J’ai eu deux enfants.

Mes années de vie bien remplies sont visibles aux coins de mes yeux et aux commissures de mes lèvres. Et pas seulement quand je souris.

Mon front aussi est marqué. De mes fous rires et de mes angoisses.

Ma peau porte les marques du temps, mais également de mes grossesses. Par deux fois, ma peau s’est étirée. Beaucoup! Prise de poids notable pour mon Lou: 50 livres. Partout: des joues aux chevilles. Presque la même chose pour ma Mimone: 48 livres. Quelques mois après, sur la balance, le poids d’avant est revenu. Mais ce qui n’est pas revenu: la répartition des formes, l’élasticité de la peau. Ma peau n’a jamais repris son galbe de mes 20 ans.

Puis, les années passant, j’ai pris des grammes. Qui sont devenus des livres. Ma peau s’est davantage plissoutée. Veinée. Vergeturée. Je ne suis pas une athlète. Depuis la pandémie, je ne m’entraîne même plus. J’ai du petit mou de maman.

Je suis moelleuse. Lou et Mimone adorent se coller sur moi pour lire.

Mes cuisses et mon ventre sont «confortables»… ce qui, avouons-le, n’est pas le qualificatif le plus sexy! Je ne me fais plus «carter» depuis longtemps quand je fais des courses.

On m’appelle «madame». On me vouvoie. Une fois, j’ai même eu droit à un «ma petite madame». Mais je ne m’en fais pas avec ça. Ou plutôt, je ne m’en fais plus.

Les marques de la vie + Lebon Trait d'union


Ça n’a pas toujours été le cas. J’ai déjà été jeune et complexée. Au point de me baigner avec des shorts et un t-shirt. Au point de porter des vêtements informes. Puis, j’en ai eu marre de ne pas m’aimer. De ne pas être capable de soutenir mon propre regard dans le miroir. J’ai consulté une psy. Je suis tombée enceinte. Puis, un arrêt de travail a entraîné une solide remise en question. Des décès autour de moi. Des maladies d’amies aussi. Et finalement, une prise de conscience: je suis chanceuse. En vie. En santé.

Vieillir est un privilège, vous savez.

Mes rides disent mon histoire. Mon âge.

Ma peau dit ma famille.

Je suis toutes ces marques sur mon visage. Sur mon corps.

«La beauté est dans l’œil de celui qui regarde», dit-on.
Mes enfants me trouvent belle.

Mon homme me trouve belle. Désirable, même.   

Je suis moi.

Et si j’ai envie de porter un legging ou un bikini, je le ferai.
Je sais, je l'ai déjà dit. Mais il faut parfois le répéter. Haut et fort.

Merci de vous taire si ça ne vous convient pas.

mars 09, 2021 — Isabelle Millaire

Commentaires

Céline

Céline dit :

Juste merci pour ces mots qui font tellement de bien. 🙏

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