Ma vie dans un trousseau d’essentiels

Par Hélène Lebon

Si j’étais une plante, je serais sans doute une tillandsia. Je n’ai pas de racine, j’ai des ailes. Muée par le besoin de bouger et de changer d’air pour ne pas que mon eau stagne, ma rivière intérieure pousse mon corps au-delà de ses habitudes et de ses frontières. Mon coeur nomade piétine devant les barrières que nous imposent la COVID, mais mon dernier déménagement m’amène à faire le tour de mes essentiels. Se sentir chez soi partout: mythe ou réalité?

Trousseau + Lebon Trait d'union

Ila couché dans ma couverture préférée
avec mon inséparable coussin de voyage

Je fais fi des murs et de la vue (quoique, celle que j’ai sur l'Île-du-Prince-Édouard me plaît énormément). Vite, je découvre avec une joie insensée mes nouveaux quartiers et commerçants et, vite, je peux me sentir faire «partie du décor», où que je sois. Ce n’est pas que je suis dotée d’une capacité d’adaptation extrême ou que je me fiche des places où je passe, j’ai même expliqué pourquoi je voyage ici même. Mais disons qu'au fil du temps et des destinations, pour quelques jours ou quelques années, j’ai découvert mes petits essentiels, deux valises et quelques boîtes, un peu comme un décor de cinéma qui se monte et se démonte au gré du cirque de ma vie. (Ne vous avais-je pas dit que j’étais funambule ces mois-ci?) 

Le déménagement dans la bulle atlantique

J’avais écrit des cartes postales aux villes croisées lors de notre road trip à travers le Canada. Sur Charlottetown, j’ai noté: «Avec ta face de carte postale et tes airs de vacances, Charlottetown, je voudrais que tu m’adoptes à l’année longue. J’irais voir tes petites boutiques et tes jolies rues colorées. Je prendrais mon temps dans tes cafés et tes pubs. Je te regarderais, Charlottetown, comme une palette pour peindre à l’océan tous les mots d’amour ou de tempête que je peux avoir sur le cœur. Je respire, tu es là. Je me vois rire entre tes briques et avoir des amis ici. Charlottetown, j’aimerais bien que tu sois ma ville.»

Voilà. Un peu plus d’un an plus tard, avec un peu marre de notre vie de banlieue à Montréal, on a déménagé sur l’Île-du-Prince-Édouard, toute une aventure en pleine COVID!  

La familiarité dans l’accessoire 

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Accrocher sur mes murs deux ou trois de mes tableaux hérités - dont celui de Tunisie qui me vient de mamie - ou offerts, comme celui que Carole a cousu, ou préparer un thé japonais de Reina dans ma petite théière métal reçue un Noël en Provence, fouiller dans mes livres préférés ou mes magazines déjà bien épluchés, voilà qui me fait sentir chez moi. Et ce grigri brésilien? Offert par des amis, il y a plusieurs années déjà. Et le tablier du maître indigo? Reçu après l’entrevue à Ohara, une de mes pièces préférées, à la fois fruit de mon labeur et honneur d’artisan. La carte de Suemarr? Comme son article, des trésors inestimables. C’est là mon décor mobile.

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Le confort d’un cocon

J’ai ma doudou favorite et des coussins dont je ne trimballe que les housses - plus faciles à transporter ou alors je les mets dans des sacs que j’aspire. Hop! Sitôt aplatis, sitôt mis en valise. Et puis, il y a ma dînette rose et ma dînette en bois. Ma petite tasse d’Amsterdam achetée dans une boutique des Negen straatjes lors de notre voyage de fiançailles. Il y a l’assiette japonaise chinée pour quelques euros, la vaisselle antique aux roses graphiques, trouvée en partie par Agnès, en partie par maman après un engouement de ma part. Et mes baguettes, plus ma cuillère en bois du Venezuela, offerte par Maria.

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Mes livres ou la dernière marotte qui pèse

Je souffre de «tsundoku», donc j’accumule plus de livres que je ne prends le temps d’en lire et je me sens riche de culture comme ça, mais je tends à m’améliorer pour réduire ma bibliothèque au maximum. Certains prennent des années à se constituer une belle bibliothèque, j’essaie de la réduire, «m’en débarrasser» serait inexact. Moins de livres, mais plus de lecture. Ah! Ça n’est pas toujours facile de s’en tenir à l’essentiel, mais ça m’évite d’en laisser derrière moi sans les ouvrir. 

Tout ça est un processus, une perpétuelle évolution. Parfois, ça va naturellement. Parfois, j’acquiers plus que ce dont j’ai besoin. Ce qui reste constant, c’est la bougeotte. Je ne crois pas que ça se calme tout de suite. Peut-être n’ai-je pas encore trouvé ma place. Ou peut-être que ma nature est nomade et ma curiosité insatiable. Mais il y a la COVID aussi et j’apprends à voyager autrement, revoir mes plans, nos plans, car désormais ma vie est à deux et Mario et moi nous sommes dit oui et depuis que nos chemins se sont croisés, on fait route ensemble. Un an de mariage et encore beaucoup à parcourir.
avril 07, 2021 — Hélène Lebon

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